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l'écran intérieur des paupières
15 novembre 2005

L'Autre - Julien Green

L'autre c'est moi.

Les livres de Julien Green brûlent. Ils brûlent du combat que se livrent, en chaque personnage et entre les personnages, une foi et une chair aussi exigeantes l’une que l’autre.

On imagine ce que c’est dans le Danemark de ce roman qui fourmille de beautés et d’éphèbes, d’intermédiaires à leur manière très complaisants, bref dans un pays de tentations où règne une liberté de mœurs et d’esprit évoquée à plusieurs reprises : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Roger, le petit Français, décide d’y passer ses vacances – pour fuir la guerre toute proche, aussi, pendant l’été 39.

L’autre, c’est d’abord Karin, celle qu’on appelle "l’Allemande" parce qu’elle a couché avec l’ennemi, et que tout Copenhague ostracise.

L’autre, pour Karin, c’est l’amour et l’affection qui lui manquent, quelqu’un à toucher et embrasser : Roger bien sûr, l’inoubliable, ou à défaut tous ces jeunes gens et ces marins en uniforme qui lui font envie mais dont elle est privée depuis la fin de la guerre… L’autre, ce serait aussi une amie à qui se confier, un prochain d’autant plus lointain que tout le monde vous ignore et qu’une prison qui est votre propre ville vous entoure. L’autre deviendra finalement pour Karin le prochain en soi : "Et si c’était vrai ? (…) Si vraiment il était là, non pas du tout comme un fantôme, mais dans son corps, tel qu’il a paru en Judée ? Cet Autre-là, je l’aurais aimé et suivi (…)"

Mais au fond cette autre, cette Karin, cette petite sœur du Wilfred de Chaque homme dans sa nuit, n’est personne d’autre à mon sens que Julien Green lui-même. Dans la préface qu’il a lui-même écrite pour Chaque homme dans sa nuit, Green dit : "Tous mes personnages n’en formaient qu’un seul qui était tellement moi-même que je ne le reconnaissais pas"…
On lit le cœur haletant ce roman d’aventures de l’âme rempli de ravisements et de ravissements, dont un des miracles est de rendre à sa vérité et de faire connaître à tous (le narrateur est lui aussi omniscient) la clef d’une mort absurde et incompréhensible que l’écriture rend lumineuse.

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Commentaires
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  • une "mémoire visuelle [qui] projette instantanément, sur l'écran interne des paupières closes, l'image rigoureusement fidèle et objective d'un visage aimé, comme un fantôme minuscule en couleurs naturelles..." Nabokov
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