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l'écran intérieur des paupières
8 mars 2005

Quand l'Empereur était un dieu - J. Otsuka - Phébus

Si c'est un dieu.

La référence à la renonciation à son origine divine par l’Empereur du Japon – renonciation absolue s’il en est – s’imposait pour un roman au long duquel, la première stupéfaction passée, ne cesse de s’accroître puis s’impose définitivement la question d’une autre renonciation : celle d’un être humain qu’un autre être humain forcerait à renoncer à cette qualité – et le soumettrait même à la tentation de demander pardon d’exister. En fait, "si c’est un dieu" ou "si c’est un homme", la question est la même.

J’ignorais pour ma part que des camps d’internement avaient été aménagés aux Etats-Unis "à l’usage" (l’expression est celle de la quatrième de couverture) des citoyens américains d’origine japonaise. Il s’agit ici d’un roman, et non d’un témoignage, mais nous découvrons néanmoins l’opération dans toute son ampleur au travers de l’expérience qu’en fait une famille établie aux Etats-Unis depuis vingt ans. Le père est arrêté un soir, après Pearl Harbour, par des agents du FBI pour une raison qu’on ne connaîtra pas… Pour aucune raison : c’est dans le dernier chapitre, intitulé "Aveux", qu’on passe de manière anonyme et abstraite aux anti-aveux, confessions forcées, extirpées à coups de lampe ou autres.

Peu de temps après son arrestation, la femme et les deux enfants de cet homme obéissent à l’ordre d’évacuation n° 19 et prennent le convoi qui les mènera dans un camp d’Utah. Ils en reviendront plus de trois ans après pour retrouver une maison pillée et souillée… C’est la fin de l’Occupation, sauf qu’ici, on est censé être "de l’autre côté de la barrière" (une image qui revient souvent dans le roman) et que ce "déjà vu" inversé choque peut-être d’autant plus le lecteur occidental, européen, français…
Les points de vue se complètent : ceux de la mère et des deux enfants, celui du père absent-présent détenu dans un autre camp et dont les lettres stoïques ne parviennent pas à effacer la dernière image qu’en garde le fils : une arrestation ridicule en pantoufles et robe de chambre.

On pense à la Shoah mais aussi à 1984 de George Orwell et aux tortures de la salle 101, à l’exil et l’aliénation de la Femme des sables d’Abe Kobo… Le premier roman de Julie Otsuka tient son rang aux côtés de ces œuvres maîtresses.

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  • une "mémoire visuelle [qui] projette instantanément, sur l'écran interne des paupières closes, l'image rigoureusement fidèle et objective d'un visage aimé, comme un fantôme minuscule en couleurs naturelles..." Nabokov
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