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l'écran intérieur des paupières
14 avril 2005

La fille que j'ai abandonnée - Shûsaku Endô

"Je suis responsable de ma rose."

Voici un roman comme on n’en écrit presque plus - il date d’ailleurs de 1964 - un roman engagé, placé au service d’une idée dans un monde qui a un sens autre que celui de l’absurde sur lequel l’anti-héros n’a, traditionnellement, aucune prise.

Cette idée, c’est celle-là même qui fonde l’individu : la responsabilité personnelle. Or qui dit responsabilité dit lien de causalité entre deux faits, et dans certains cas entre un fait qui peut être une faute, et un fait qui peut être un dommage. Mais cela est une autre question : question d’appréciation.

Est-ce parce que l’étudiant Yoshioka a ignominieusement séduit l’ouvrière Mitsu un après-midi pluvieux dans un hôtel miteux de Tokyo, qu’elle a fini par périr écrasée sous un camion à Gotenba ?

Tout est dans l’analyse du lien de causalité. Plus elle sera globale, plus la responsabilité personnelle sera appréciée de manière exigeante. Ici rien n’est imposé, le lecteur, présumé responsable, est par conséquent entièrement libre.

Une jeune fille s’est sentie rejetée par sa famille ; elle est partie travailler à Tokyo. Elle est amoureuse des acteurs à la mode dont elle colle les posters dans sa chambre ; son plaisir, c’est d’aller au cinéma les jours de congé. Elle passe une annonce dans le magazine "Etoiles brillantes" pour rencontrer d’autres fans de ses idoles. C’est qu’ici qu’intervient Yoshioka, l’étudiant fauché en mal de nanas. Pour lui, c’est une prise. Son uniforme d’étudiant l’impressionne, et puis elle est trop gentille, trop douée de compassion… Elle cède, et tout s’achève lorsque les portes du métro se referment. Elle est dans le wagon, il reste sur le quai. Sauf que le visage de la fille, derrière la vitre, ne s’oublie pas si facilement. On n’y échappe pas, en fait… Et le pendentif qu’elle portait réapparaît au cou d’une autre… Même la nièce du patron, que Yoshioka, devenu un jeune cadre dynamique, parviendra à épouser, se révèle une ancienne camarade de Mitsu… Il y a aussi dans ces pages une léproserie, devant laquelle on passe et repasse en bus ou en train, de laquelle on s’approche…

Le fait que le sujet soit traité sur le mode chrétien ne change rien à l’affaire ; encore une fois, il s’agit d’une simple question d’appréciation. Si Shûsaku Endô est considéré comme un "écrivain catholique", si Yoshioka se convertit et si Mitsu pratique la charité sans le savoir, on ne peut pas dire que ce roman est un "roman catholique" (à la Mauriac par exemple), ou alors il est catholique au sens premier du terme, "universel".

Parce qu’avec Dieu ou sans lui, de toutes façons, il faut bien s’y résoudre et faire face : "La leçon tirée de cette aventure était que tous les êtres rencontrés pendant notre existence, à un moment ou à un autre, laissent une trace indélébile en nous."

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